lundi 12 novembre 2012

Crimes femmes/hommes, ratio, 1/5 mais l'écart diminue..

Proportions de crimes et délits, ratio femmes/hommes 1/5


Un article du nouvel obs (lien) au sujet d'un crime commis par une femme envers deux hommes a généré quelques réactions masculines parfois hard. Ce qui m'amène à citer quelques chiffres, ultra connus mais qu'il faut rappeler parfois.

Statistiques officielles. Les taux de criminalité et les infractions commises par genre au Canada (lien)

 
Dans le système de justice pénale, les femmes sont plutôt victimes qu'auteures de crimes. En 2004, elles comptaient pour environ la moitié (51 %) des victimes de crimes avec alors qu’elles représentaient 17 % des inculpés, une hausse légère (14 % en 77.) Leur taux de criminalité est de cinq fois inférieur à celui des hommes et connaît de légères fluctuations à la baisse et à la hausse depuis le début des années 2000. 
Les types de crimes imputés aux femmes diffèrent de ceux des hommes. Elles commettent d’abord des infractions contre les biens (44 % par rapport à 36 % des hommes), des infractions contre la personne (28 % par rapport à 35 % des hommes), mais moins d’infractions contre l’administration de la justice (19 % par rapport à 22 % des hommes). Plus précisément, elles sont surtout accusées pour le vol autre que celui d’un véhicule à moteur, les voies de fait simples, la fraude, vol simple, petite corruption et escroquerie, pari, infractions relatives à la prostitution et actes contraires aux bonnes mœurs, infractions provinciales et celles aux règlements municipaux (2 % des femmes et 1 % des hommes étaient accusés pour des infractions liées à la prostitution) tandis que certaines infractions sont beaucoup plus susceptibles d’être commises par des hommes, l’homicide, vol qualifié, agression sexuelle, introduction par effraction, vol de véhicule à moteur et du méfait. Par ailleurs, le taux de crimes avec violence a augmenté chez les femmes entre 1986 et 2005 (deux décennies), réduisant ainsi l’écart entre les femmes et les hommes à une femme pour cinq hommes en 2005 par rapport à une femme pour neuf hommes en 1986.

jeudi 13 septembre 2012

Comment les consultants et les lobbies industriels font l’information



Les lobbyistes occupent une place croissante dans les médias. Épaulés par des experts aux ordres et des journalistes crédules, ils influencent avec régularité le contenu de l’information jusqu'à la FAIRE.

La presse est l’un des éléments les plus sacrés de l’imaginaire. Les journalistes, prêtres de la vérité occupent aux côtés des détectives et des inspecteurs de police une place mythique dans les esprits, l’archétype restant le petit gars qui travaille à toute heure, à l’affût d’indices et des contradictions les plus subtiles, infatigable, qui œuvre pour que la vérité éclate et les méchants soient punis, image romantique des séries ou de Hollywood qui puise son inspiration dans la vie. Par exemple avec Les Hommes du Président dans lequel Robert Redford et Dustin Hoffman incarnent Bob Woodward et Carl Bernstein, deux journalistes du Washington Post qui ont effectivement enquêté sur le rôle du président Nixon dans le Watergate. Les dernières images soulignent avec emphase les pouvoirs de la presse. Vingt ans plus tard, leur saga figure en bonne place dans les manuels scolaires. Mais ce qu'ils oublient de préciser, c’est que Woodward et Bernstein étaient pratiquement seuls dans leur traque acharnée de ce scandale qui éclata au beau milieu de la campagne des élections présidentielles de 1972 et n’eut aucune influence sur les résultats; il n’a fallu qu’un coup de fil de la Maison-Blanche pour dissuader le directeur de CBS de diffuser avant les élections ce reportage exceptionnel et Nixon fut réélu à une écrasante majorité. Il ne fut contraint de démissionner que deux ans plus tard.

En réalité, le personnel est sous-payé et surchargé. Si on est en droit d’attendre que la presse libre et indépendante fournisse toutes les informations susceptibles de nourrir le débat public, révéler la corruption, éclairer les principaux problèmes sociaux et permettre à des citoyens bien informés de prendre des décisions, en fait, le journalisme est en pleine débâcle et cette déliquescence ouvre la porte aux agences de lobbying envahissant et régnant dans les salles de rédaction. Les médias constituent en eux-mêmes une énorme et juteuse affaire, propriété d’un club de plus en plus fermé de multinationales dans la plus grande discrétion. Dans les années 1980, la plus grande partie des médias américains étaient sous le contrôle d’une cinquantaine d’entreprises géantes elles-mêmes financièrement liées à de grosses sociétés industrielles et à quelques banques internationales.. Certaines voix échappaient au contrôle de ces entreprises dominantes mais la plupart de ces réfractaires appartenaient à de petites structures locales dont le murmure était enseveli par le fracas des principaux. En une décennie la concentration des médias s’est accélérée : plus de la moitié appartiennent à moins de vingt géants des affaires. Les conflits d’intérêts entre le besoin d’information et la pub dite "information positive" ou "publi reportage" que privilégient les entreprises ne cessent de s’aggraver. Lorsqu’une grosse entreprise achète un journal local, la qualité s’en ressent à très court terme. Ils pratiquent un journalisme minimal où la partie éditoriale est la matière grise qui remplit les blancs entre les espaces publicitaires. Les propriétaires du journal gardent alors juste ce qu’il faut de personnel pour maintenir la parution, cessent de réinvestir les bénéfices pour les détourner au profit de la maison mère, valorisent le contenu publicitaire et la rentabilité ; au bout d’un an ou deux, les derniers éléments du personnel éditorial  tellement occupés à assurer la survie n’ont plus le temps d’enquêter ni de vérifier les faits et la publication ne repose plus que sur les dépêches des agences de presse. Les journalistes aux abois se résignent à se cantonner dans le clinquant, le facile et les faits divers.

 Un tel contexte est très profitable aux lobbyistes. Les consultants adaptent leurs communiqués aux journaux. De ce fait, une grande partie des informations que le public lit, regarde ou écoute est influencées et déformée par ces gens propriétaires de pans entiers de l’information. Les rubriques "cuisine, diététique, loisirs, auto-moto, immobilier, décoration ou vie pratique sont un paradis et les "nouvelles", saucissonnées par des consultants et des journalistes ressemblent à s’y méprendre à de vraies informations. Le lecteur a beaucoup de mal à le démêler. Aujourd’hui, le nombre des attachés de presse est supérieur à celui des journalistes professionnels, et l’écart ne fait que se creuser. Un reporter est assailli chaque jour par des dizaines de dépêches ou d’infos transmises par téléphone, lettre, fax et mail.

Ex : la société X qui prétend être depuis 40 ans le "leader incontesté dans la diffusion des informations des entreprises, des associations et des institutions auprès des médias et du monde de la finance", possède 19 bureaux et distribue chaque année 100 000 communiqués de presse à l’attention de 2 000 rédactions pour le compte de plus de 15 000 clients. Elle offre donc de l’info toute faite pour le compte de ses clients –firmes, entreprises- qui la rémunère grassement, à des journalistes qui vont s’en emparer sans la vérifier. Certaines agences se spécialisent même dans la diffusion auprès de la grande presse d’articles de fond ou de tribunes "libres" (!) écrits par des lobbyistes sur des sujets divers et ayant toute l’apparence de "vraies" infos. La société Y par exemple, envoie à 10 000 journaux et magazines des "reportages en kit" qui ont pour objet de promouvoir un produit ou de servir les objectifs politiques de ses clients : des dépliants publicitaires qui ne disent pas leur nom et n’en ont pas l’air. Et la plupart sont reproduits en totalité ou partiellement ! Dans la foulée, les élus reçoivent des lettres enchantées. Une agence du même genre propose même des scripts pour des émissions d’ "information" de haute tenue à plus de 5 000 stations de radio adaptés à leurs besoins. "Nous nous chargeons de l’écriture, de la frappe, de l’impression et de la distribution". Les journalistes surchargés de travail accueillent cette offre très intéressée avec plus de soulagement que de méfiance. Une bouée pour les jours où il ne se passe rien.

 Associated Press gagne désormais beaucoup d’argent en diffusant sous forme numérisée des photos d’agences-conseil aux 400 journaux qui ont accepté de les recevoir. Le 24 juin 1994 par exemple, le Times a publié un long article annonçant que le transporteur F. E. était devenu F.Ex – scoop d’un intérêt assez limité… Il s’agissait d’une campagne de communication lancée par F. Ex. et la photo illustrant l’article montrant un jet estampillé F.Ex renvoyait simplement à Associated Press, payé par F. E pour numériser la photo – réalisée par ses soins – et l’adresser aux journaux. La diffusion généralisée de reportages "clés en main" pour la radio ou la télévision est une pratique peu connue qui date des années 1980, lorsque les agences de lobbying se sont aperçues que les diffuseurs acceptaient de présenter comme des reportages d’information les séquences, voire les programmes entiers qu’elles pouvaient filmer, mettre en forme et produire. 92% des rédactions utilisent des reportages distribués gratuitement. Ces "reportages" préfabriqués sont fournis par lots de deux versions différentes, la première est complète, avec des commentaires préenregistrés ou un script indiquant les moments où le journaliste doit lire son texte, la seconde comprend les images brutes que la chaîne peut monter comme bon lui semble, les combiner avec des images provenant d’autres sources ou les passer telles quelles. "Il y a deux approches possibles de la part des chaînes de télévision. Les plus grandes ne veulent pas entendre parler de reportages tout prêts, disposant du budget et du personnel pour monter elles-mêmes leurs émissions –affirment-elles- mais les petites chaînes locales sautent sur l’occasion. Ces reportages préfabriqués sont des produits aussi largement diffusés par les agences de lobbying que les communiqués de presse classiques. Cela vaut aussi pour l’info brute. Par exemple, après que des bruits inquiétants eurent couru sur une affaire de falsification de boissons, un "reportage" sur ce sujet a été adressé aux trois chaînes de télévision de la capitale. Toutes les trois l’ont utilisé au cours des bulletins d’information du lendemain, ainsi que cinq autres. 

Interrogées par la suite, elles ont cependant démenti.. mais sont parfois trahies par leurs propres annonceurs. Susan Trento : en 1985, X Company a distribué un reportage préfabriqué provenant de Y consulting comportant une interview de l’un de ses clients, le roi Hassan II. La diffusion de cette séquence a provoqué un véritable scandale, du coup les journalistes se sont plaints qu’on les ait trompés. Démentis par un responsable de Y Consulting qui épingle leur hypocrisie : "Un certain nombre de journalistes après l’annonce de la distribution de reportages prêts à l’emploi ont protesté.. les mêmes qui à la moindre occasion m’appellent pour pouvoir se les procurer… serait-il possible de leur adresser une cassette par transporteur le soir même, afin qu’ils puissent la diffuser le lendemain ?.. J’ai été scandalisé de ce double langage des médias. Ils sont libres d’utiliser nos séquences, de les rejeter, d’employer la bande B ou d’écrire leurs propres scripts. Mais la plupart d’entre eux les reçoivent et les diffusent aussi sec. Ils mettent dans la machine et ils appuient sur la touche lecture. En le cas, ils ne pouvaient ignorer d’où provenait le reportage."

L’interpénétration croissante des informations et de la publicité est "gênante" observe (!) un consultant en relations publiques.. parce qu’elle affaiblit la crédibilité des médias traditionnels. "Chaque fois qu’un journal prévoit dans ses pages un espace publicitaire gratuit, ou chaque fois qu’une chaîne de télévision présente un publi-reportage comme s’il s’agissait d’un vrai documentaire, les responsables de ces médias dévalorisent leur produit. Nous ne pouvons nous permettre de tuer la poule aux œufs d’or. Si le public venait à retirer sa confiance aux médias, le résultat pourrait être catastrophique." (!)

Les publicitaires ont compris depuis longtemps que l’un des moyens les plus efficaces de convaincre le public est de faire passer un message par la voix d’un "spécialiste" unanimement reconnu – chercheur, médecin ou professeur d’université. Le spot publicitaire où apparaît un acteur professionnel vêtu d’une blouse blanche de laboratoire annonçant avec autorité que "la recherche prouve" la supériorité absolue du produit présenté est devenu un genre télévisuel à part entière. Les consultants sont désormais également passés maîtres dans l’art de se faire cautionner par un "expert indépendant impartial" – ruse grossière qui, malgré la réputation de méfiance des journalistes, marche pratiquement à tout coups. Cela va plus loin encore : une agence-conseil offre par exemple a des journalistes en quête d’informations un service d’"assistance" en ligne dont le siège se trouve à l’université de l’État de New York, par e-mail. Leurs demandes sont alors relayées à plus de 800 professionnels des relations publiques appartenant à des instituts de recherche.. qui se chargent de trouver dans leur écurie des chercheurs susceptibles de "traiter le sujet". Des chercheurs ad hoc évidemment, favorables aux produits et services de clients de l'agence qu'elle a pour mission de promouvoir !

Parfois, c’est plus direct encore. Les agences de lobbying financent des "instituts de recherche à but non lucratif" dont les "experts indépendants" roulent pour eux moyennant finances. Le Conseil américain pour la science et la santé par exemple dirigé par Elizabeth Whelan est un groupe-écran utilisé par les industriels dont l'activité tourne autour de l’agro-alimentaire et de l’industrie chimique. Il se présente comme un institut scientifique "indépendant et objectif". Cette prétention a été examinée par un chroniqueur du Washington Post, Howard Kurtz qui s’est intéressé aux financements dont bénéficie ce "conseil pour la science et la santé". Il fait par exemple volontiers l’éloge de la restauration rapide. Et devinez ? parmi ses financeurs, on compte Burger King. Il minimise les liens entre nourriture trop grasse et maladies cardio-vasculaires.. Devinez ? Des entreprises agro-alimentaires comme Oscar Meyer, Frito Lay et Land O’Lakes font partie de ses sponsors. Il prône les vertus de la saccharine? Devinez ? C’est Coca-Cola, Pepsi qui mettent la main à la poche. Enfin, s’il tacle une campagne contre les huiles tropicales trop riches en graisses – contenues en abondance dans le pop-corn – c’est que des fabricants d’huile de palme le financent aussi. "Il n’y a jamais eu un seul cas de risque sanitaire lié à l’utilisation raisonnable de pesticides agréés dans notre pays" prétend aussi ce très indépendant conseil.. qui reçoit également de l’argent d’une flopée de fabricants de pesticides. Pour coiffer le tout, on a aussi une campagne anti écolos, ces fadas "aveuglés par l’idéologie qui n’ont pour seul objectif que de détruire la libre entreprise et qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour ruiner les entreprises etc.."

Les journalistes vérifient rarement leurs sources en profondeur. Si bien que les spécialistes de groupes tels que le Conseil américain pour la science et la santé sont souvent cités comme de véritables experts scientifiques sur les plateaux de TV (Elisabeth Whelan étant présentée sans rire comme "l’un de ces nombreux savants qui craignent qu’une surestimation des risques encourus n’ait pour effet paradoxal de détériorer la santé de nos concitoyens")…

Ce type d’"experts" sont légion qui manipulent les statistiques pour cacher à l’opinion publique, entre autres, la progression des cancers dans les sociétés industrielles. "Nous savons aussi qu’il n’y a pas d’épidémie de cancer, affirme-t-elle. La plupart des chiffres, dans ce domaine, restent constants depuis des décennies. Nous vivons une époque merveilleuse… etc.." Ce postulat a été repris, par exemple "Ressources pour le futur", institut pro-industriel dont le président affirme ""si notre cadre de vie était aussi dangereux qu’on le prétend, comment expliquer que nous soyons en meilleure santé et que nous vivions plus longtemps que nos aînés ?"… est lui aussi présenté comme un "groupe de réflexion sur les questions écologiques" (!) alors que des chercheurs véritablement indépendants ont constaté que le nombre de cancers augmente et que les produits chimiques, amiante, benzène, arsenic, amines aromatiques, goudrons, chlorure de vinyle, chrome et poussière de bois jouent un rôle important dans ce développement, ainsi que les pesticides -notamment  chez les agriculteurs-. "Nous commençons à peine à comprendre la gravité des risques sur notre santé d’une exposition prolongée à certains facteurs environnementaux ou professionnels, concède un récent rapport de l’Institut national de la lutte contre le cancer. Une prise en compte insuffisante des risques potentiels liés à l’environnement et aux contaminants agro-alimentaires, ajoutée aux réglementations et aux dispositifs de protection et de promotion dont jouit l’usage du tabac, aggrave le problème du cancer et augmente considérablement les coûts de la santé."

Le syndrome de la porte à tambour. Les journalistes rarement capables d’analyser leur propre milieu professionnel et le rôle des agences de lobbying sont largement dépendants de ces agences en matière de sources, de citations, de sujets et même d’idées. Ceux qui sont à l’extérieur – lecteurs ou spectateurs – ont beaucoup de mal à décrypter cette dépendance qui constitue un élément essentiel du fonctionnement de la presse. Par ailleurs, comme un alcoolique qui refuse d’admettre qu’il a un problème avec la boisson, ces journalistes sont trop lourdement intoxiqués par les lobbyistes pour s’apercevoir que quelque chose cloche. Les nouvelles "préfabriquées" et les "experts" obligeamment fournis par les industriels sont d’une efficacité d’autant plus redoutable qu’ils ne peuvent que rendre service à un directeur de chaîne soucieux de ses finances. Lorsqu’une chaîne diffuse un "reportage en kit", l’agence-conseil qui le lui a fourni a déjà payé les frais de script, de réalisation et de montage. De la même façon, les "spécialistes" poulains des lobbyistes permettent aux journalistes d’appuyer leurs articles sur des avis "documentés" en y consacrant un minimum de temps et d’énergie… et gratos -ils sont déjà payés par les entreprises-.

Mais il arrive que les pressions financières soient plus directes. Au Canada, Ben Parfitt, chargé de la rubrique forestière pour Vancouver Sun avait entrepris d’enquêter sur les industriels du bois -dont Burson-Marsteller est l’agent-conseil- en Colombie-Britannique. Mais entre temps, celui-ci élargit sa clientèle au Sun! et des cinq journalistes couvrant le sujet, exploitation forestière, pêche, Amérindiens, énergie, mines et environnement, seul Parfitt fut maintenu.. mais prié de limiter son intérêt à Vancouver et aux basses terres éloignées du secteur où des firmes clientes de BM exploitaient de très anciennes forêts formant un écosystème rare et précieux. Il a donc fait paraître son article dans une autre publication, The Georgia Straight qui évoquait le passé de Burson-Marsteller et notamment ses efforts pour améliorer l’image internationale de l’Argentine après que la junte militaire eut exécuté des milliers d’opposants. Il y révélait également qu’un de leur cadre Ken Rietz était l’un des conspirateurs-clés du Watergate. Après la parution de cet article, Parfitt a été sommé d’abandonner sa rubrique du Sun sur les questions forestières. 

Les annonceurs publicitaires ont une énorme influence sur le contenu même des informations bien que les rédacteurs en chef le démentent. Seulement dans les médias américains, les grandes entreprises investissent cent milliards de dollars par an dans la publicité, lesquels tombent directement dans les caisses des médias. L’auteur de The Media Monopoly, Ben Bagdikian, souligne qu’un travail de "sélection attentive des sujets d’actualité, visant à rendre la publicité plus efficace, est devenu si courant qu’il a été promu au rang de technique de pointe et de savoir-faire éditorial*". Le consultant Robert Dilenschneider admet que "la notion selon laquelle, dans la presse et les médias, la gestion de l’entreprise est nettement distincte des choix éditoriaux est en grande partie un mythe".

Fusions, rachats et nouvelles technologies électroniques ne font qu’accélérer l’effondrement des murs censés séparer journalisme, publicité et relations publiques. Deux des plus grosses agences-conseil du monde dont Burson-Marsteller sont aux mains des deux plus gros conglomérats publicitaires qui achètent des milliards de dollars d’espaces publicitaires dans la presse et à la télévision. 

Un fait marquant et capital. Le Centre d’étude des pratiques commerciales, association à but non lucratif, a invité en 1992 quelque 200 journalistes à une conférence de presse au cours de laquelle a été distribué un rapport intitulé : comment la pression de la publicité peut corrompre une presse libre, et qui signalait des dizaines de cas d’auto-censure résultant du contexte "imposé par les annonceurs et de pressions afférentes". Presque aucun des journalistes invités n’a assisté à cette conférence et le rapport n’a généré pratiquement aucun commentaire dans la presse !!

Les entreprises ont découvert que l’un des meilleurs moyens d’obtenir la faveur des journalistes était d’inviter les plus célèbres d’entre eux à faire une brève intervention en échange d’une grosse somme d’argent. En 1993-1994, dans le cadre du débat sur la réforme du système de santé, le National Journal rapporte que l’industrie pharmaceutique et ses satellites s’employaient à "arroser les journalistes qui voulaient bien dire quelques mots à l’occasion de leurs rencontres". De grandes figures médiatiques se sont vues offrir un "dédommagement" allant de 7 500 à 25 000 dollars. La plupart des journalistes n’atteignent jamais un niveau de célébrité suffisant pour toucher cette manne. Fusions et réductions de personnel ont des effets dévastateurs sur les salles de rédaction. De nombreux journalistes se trouvent contraints de quitter la profession à la trentaine tant il leur devient difficile de faire vivre une famille, cotiser pour leur retraite et payer les études des enfants. Et puis ils voient des ex-collègues quitter la profession et multiplier leur salaire dans la communication ou le lobbying …

C'est la porte à tambour, placée entre le gouvernement et les lobbies, entre la presse et les agences-conseil. Comme ces attachés parlementaires tentés de vendre leurs compétences et leur carnet d’adresses en échange d’un salaire de lobbyiste, les journalistes fauchés cèdent souvent au chant des sirènes. Susan Trento : cette porte à tambour et la collaboration qu’elle nourrit entre les privilégiés expliquent l’impasse dans laquelle se trouve engagée la politique américaine : "personne ne cherche jamais à assainir la situation, les mêmes commettant sans cesse les mêmes malversations et n’étant jamais punis sans que personne ne s’en préoccupe. Parce que personne ne le sait. Les trois côtés du triangle constitué par les médias, le gouvernement, et les agences de lobbying se protègent mutuellement."

Extraits du livre de John Stauber et Sheldon Rampton, traduction HL, "L'industrie du mensonge".

* Par exemple il ne convient pas qu'une publicité pour "EDF plein ciel" soit intercalée entre deux séquences du "Syndrome chinois" ou de "Karen Silkwood" ! ou au milieu d'un reportage sur Fukushima si soft soit-il. 

mercredi 5 septembre 2012

Appel aux féministe pour les Pussy Riot. Aleal to the feminists of catholic world for the Pussy Riot !

Aliaa (link) !!!

(Link "femmes à venir")

APPEL A TOUTES LES FÉMINISTES DU MONDE CATHOLIQUE A CHANTER DANS UN ÉGLISE, N'IMPORTE LAQUELLE, DÉGUISÉES EN CHATTES OU NON, SANS VÊTEMENTS OU AVEC, SELON VOTRE AGE ET VOS NERFS QU'IMPORTE ! UNE CHANSON QUI S'ADAPTE A LA SITUATION : 2 ANS DE GOULAG POUR LES PUSSY RIOT POUR AVOIR CHANTE DANS UNE EGLISE "VIERGE MARIE, DÉBARRASSE NOUS DE POUTINE", APPEL ÉGALEMENT A DES COMPOSITRICES POUR EN FAIRE UNE, URGENT!! 
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CALL TO ALL THE FEMINIST IN THE CATHOLIC WORLD TO SING IN A CHURCH, ANYONE ANY WHERE, DISGUISED IN PUSSY CAT OR NOT, WITH CLOTHES OR NOT -ACCORDING YOUR NERVES- ANY SONG THAT FITS THE SITUATION : 2 YEARS OF GOULAG FOR A SONG IN A CHURCH IN RUSSIA FOR THE PUSSY RIOT !!! CALL TO ANY COMPOSER TO MAKE ONE, URGENT !!!   
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vendredi 31 août 2012

Le silence des braves gens. The silence of good people

(Lien)

Corruption, le silence des pantoufles

Propos de troquet. Thème : la corruption, une plaie, dire que les gens ne font rien.. que c'est avec notre argent que.. et la justice qui ne fait pas son boulot.. tous pourris etc.. Puis l'un se lance au sujet d'un certain Dupont, un célèbre sur la question.
Quel pourri, cui-là ! Au cours d'une succession, y avait plein de bijoux et quand ils sont revenus de manger, les scellés avaient été enlevés et il en manquait.. Marcel lui a dit "mais il en manque" et l'autre lui a répondu "mêle-toi de ce qui te regarde".. Alors si je le sais !
Mais il a rien dit, Marcel ?
Si, il me l'a dit à moi, c'est mon beau-frère, il était écœuré.
Mais aux flics? 
Ah ben non il pouvait pas, il est Garde Municipal. 
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Une pétition "anti raciste" qui court sur le net et rend un son étrange tout de même


... Et une dénonciation qui ne l'est pas moins, même s'il faut y voir de plus près. Une starlette, un texte-pétition visiblement plaqué sur son image sans doute là pour faire joli, et des propos à la fois naïfs ("elle" s'insurge contre les "immigrés" -c'est à dire les africains venant d'autres pays, c'est mignon- entassés dans des bidonvilles qui lapinent et délinquantent à tout va!!) elle qui est "là depuis 300 ans", passons, sans doute descendante de colons.. apparemment dans de tout autres conditions d'existence. Sur la corruption en revanche, rien à redire, c'est sans doute exact. Pire que cheu nous (lien) ? Mystère. Reste que le texte, violent et maladroit où elle se dit comme tous les blancs soumise à un système génocidaire de terreur, attentats, saccages.. avec la bénédiction de la police.. rend ses propos difficiles à prendre tout à fait pour argent comptant -verrait-on en Russie par exemple un tel article sans que son auteure ne soit immédiatement envoyé au goulag ou pire?- Rien de tout cela ici, au contraire, elle grimpe sur des podiums plutôt renforcée dans une assez médiocre popularité, les miettes de son papa petit chanteur de charme connu.-

dimanche 19 août 2012

Racisme quotidien, tout dans la représentation..

Attention, lisez ce qui suit avant de hurler, si vous êtes plus rapide que moi à piger du moins!


Voici une image que l'on peut voir sur le net un peu partout, parfois balancée sans réflexion par des gens parfois branchés humanisme hard, plus hard tu meurs. On remarque que les immigrés y sont représentés avec des têtes patibulaires et bien plus dimensionnés que les autres; la femme arabe, voilée, obèse, avec les pieds en canard ; le "juif" avec un plus gros panneau et le noir, surdimensionné, avec un air idiot. Le racisme est là, dans la représentation tellement archétypale de l'autre dans sa "différence" péjorée que l'on n'y prête pas attention de prime abord si ce n'est ici pour observer une erreur, à savoir que les plaisanteries sur les femmes sont "autorisées" et même ultra banales. Sans ce petit couac (qui n'en est sans doute pas un) et quelques autres, je n'aurais pas aperçu le sens sous jacent et quasi subconscient que véhicule cette image. Parfaite donc, avec juste la petite touche de trop qui a fait dresser ma truffe.




Version modifiée !!!

Le prince et la danseuse, rubrique la réalité dépasse parfois la fiction..

Ou la version hard et réelle du "Journal d'un salaud" (lien) en somme.. Où la réalité dépasse la fiction. Mais le Parquet "privilégie", privilégie, c'est le cas de le dire! la thèse de l'accident.

Candice Cohen a donc juste voulu rattraper une chaussette qui séchait à son balcon et plouf. Ou plutôt son sous tif, c'est vrai que par ces temps de canicule... Juste au moment, comme ça se trouve, où elle avait enfin réussi à faire plier son prince pétrolier et père kidnappeur de leur fille. Et où Hollywood voulait adapter le livre qui relate sa saga, "Rendez-moi ma fille".. qui aurait fait un autre succès planétaire comme le film "Jamais sans ma fille" tiré du livre du même titre, par ailleurs discutable. Le hasard fait bien les choses.  

samedi 18 août 2012

vendredi 17 août 2012

Le pouvoir et la peur, power and fear


"Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur. La peur de perdre le pouvoir  corrompt ceux qui le détiennent, et de la même manière, la peur du fléau que  représente un pouvoir corrompu corrompt ceux qui sont sujets à ce pouvoir."



"It's not power that corrupts but fear. Fear of losing power corrupts those who wield it, and in the same way, fear the scourge that is a  corrupt power those, who are subject to this power." An San Su Kyi

jeudi 16 août 2012

Un polar social. Le journal d'un salaud


Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur. La peur de le perdre corrompt ceux qui le détiennent, la peur d'un pouvoir corrompu corrompt ceux qui y sont soumis, qui composent, le briguent et parfois le gagnent pour s'en préserver et ainsi de suite...

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Le Prince, version Saint Doubs sur Maes

SECRETS DE FAMILLE OU LES DIABOLIQUES DE LA MAES

"J’ai presque 66 ans, un bel âge et une existence bien remplie voire exceptionnelle que j’ai décidé de livrer ici dans toute sa vérité.. A quoi bon avoir passé toute sa vie à affabuler, calculer, se composer des rôles au point de ne même plus savoir qui on est.. si le but atteint, vous êtes seul à vous en délecter ? 

Je suis né pauvre dans un pays pauvre, un village perdu de l’Est, Saint-Doubs, ne riez pas, où les hivers sont rudes, les traditions vivaces, la population illettrée et les routes défoncées. Où on rampe devant le notable et chasse à la trique le chien affamé. De ce malheur, j’ai fait un tremplin.

Je les voyais souffrir sans réagir, jérémiades, rodomontades d’avinés. Vivre comme ces larves ? Jamais. Les utiliser? Toujours. Mon modèle ? La star du X qui s’était jurée de ne jamais prendre le métro après un seul essai dans la cohue matinale et s’y est tenue. Elle est devenue quelqu’un, elle a son émission de télé, on la respecte. Mais elle avait d’autres atouts, son physique, son peps. Mais justement, si j’y suis arrivé, tous le peuvent. Voici l’histoire.
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J’ai peu de charisme oui, quoique l’indifférence aux autres soit aussi un avantage, on est plus libre. Mais moi j’ai Nadège ! A croire que je l’ai épousée pour ça, et je l’ai épousée pour ça. Elle est peuple, de gauche qu’elle dit, et ces abrutis bons à être plumés, plus on les plume plus ils rampent, elle les aide. On n’y a aucun intérêt pourtant .. quoiqu’on puisse aussi en tirer profit car ensuite, ils sont en dette. Dans la merde, on peut aussi les y mettre puis les en sortir, c'est pareil. Mais ça elle l’ignore. Pas moi. On se complétait. Elle est jolie et futée mais naïve! elle a cru épouser en moi un cador qui possédait toutes les qualités pour monter au "sommet" qu’elle disait et la hisser avec. Ne lui ai-je pas fait croire que je détenais dans une chemise des documents confidentiels du FBI.. puis je les ai oubliés dans le jardin, elle les avait fissa mis au coffre, heureusement sans ouvrir, c’étaient des pages blanches. C’est bien de faire étudier le ménage aux filles, on a de parfaites bosseuses dévotes à l’affût d’un gagnant, si petit soit-il, qui marchent au pas quand elles croient l’avoir ferré. Gagnant ? Oui mais c’était sur elle que je comptais, elle n’a jamais su sa valeur, Nad -du moins au début-. Avec elle,  j’irai loin. Après, je m’en déferai.

Je n'ai qu'un CAP. En trimant soir et matin avant et après, la maçonnerie dès huit ans, l'école.. passons. Facile pour les riches. Pas pour moi, un des rares "payeurs réduits" de "SJ". Saint Jean ! La boîte chic, toutes proportions gardées, de Saint Doubs. Les curés étaient comme ça, tu paies, on te rattrape, tu ne peux pas, tu te démerdes. Pour mes vieux, parlant à peine français, issus d'une misère bien pire, leur rang minable, larbins chez Fabre, était déjà une promotion ; mais ils étaient ambitieux, ils voulaient que je fréquente la haute, malgré toutes des couleuvres que je devrai avaler car la haute, c'est normal, n’aime pas les ploucs. Moi non plus du reste, même que je les hais plus encore que ceux de SJ ne m’ont jamais haï. Ils se contentaient de ne pas me voir. La haute, petite haute, mais justement... pour ne pas être confondus, ils en faisaient des tonnes. Donc à l'école, je n'ai pas réussi. Peu importe, le tout est de le faire croire ou de s'en flatter, ça marche aussi. Je ne suis pas beau non plus? C'est pareil. On dit que j'ai un genre. À la Belmondo... mais modèle réduit et.. hélas un peu chauve.. mais c'est un signe de virilité. 

Et elle ne m’a même jamais trompé, Nad! Avec son allure, sa gentillesse, son sens du commerce et sa force, malgré un manque de classe que l'on pardonne volontiers  aux très belles filles, il y en avait sur les rangs. Je l’ai bien eue, sur toute la ligne, un bon début. Même ce vieux beau, un marquis en plus, qui venait en vacances et qui sculptait, belle fortune, et il vendait bien en plus, le sagouin... fringues chics genre négligé étudié, la classe, il est resté sur le quai. Je ne sais même pas si elle s’est aperçue qu’il était amoureux d’elle. Mon bol d’air pur qu’il l’appelait ! Mon petit soleil. Il faut dire qu’elle bossait dur, debout à l'aube, trois enfants, la maison impec et, pour faire bouillir la marmite, la boutique, les fleurs et le salon... plus les réceptions pour me lancer.. Je ne sais pas non plus si elle s’est aperçue qu’elle aussi était amoureuse de lui. A tout bout de champ, c'était Monsieur de Clerk par ci, Monsieur de Clerk par là, un coup de poignard. Lui, je ne l'impressionnais pas et parfois il démentait mes dires, j’en suis sûr, avec une sorte de joie mauvaise. Mes "oreilles", ma lieutenante, je veux dire Coline, bistrote de son état, la seule ici en qui j’avais presque confiance, m’avait rapporté qu’il m’appelait Tartarin ou le Seigneur du crottin. Salaud. "Tu as vraiment eu les documents secrets du FBI…?" m’avait-elle demandé innocemment. Il avait été maître de conf en sciences po à Cambridge, mauvais ça. J’ai dû me justifier.

Même lorsqu’elle a grossi, il continuait à venir sous prétexte de fleurs.. dont il lui faisait cadeau ! J’ai pensé les faire se brouiller, là je suis fort, la Malnati qui s'était opposée à mon implantation à Gémont, j’allais polluer la rivière qu'elle braillait, en avait fait les frais. Une copine de Nad, bien sûr. Je lui avais interdit d’aller s’y servir, elle m’a obéi, loyale.. et ensuite, moi, j’y allais discrétos en chuchotant à la tordue qu’elle n’en dise surtout rien à ma femme, une rancunière; pas moi "je respecte ceux qui parlent net et franc, Madame".. puis je l’ai dénoncée à l’Office de répression des fraudes après que Coline lui ait envoyé une lettre anonyme en imitant l’écriture de Nad. Quelle marrade ! Juste après la visite du fisc, droit chez les flics elle a filé, la gueularde. Nad a dû se justifier. Expertises qui disaient tout et le contraire, ça pourrait être elle, rien de sûr, qu'importe, le ver était dans le fruit. Certains se sont méfiés d’elle ensuite, les commerçants surtout, même ceux qui n'avaient rien à se reprocher, les larves, c'est toujours ceux qui ont le plus la trouille. Je me vengeai ainsi de Malnati et creusai un cordon sanitaire autour de Nad, coup double. Car à présent que je volais (!) seul, elle me déclassait, trop popu, trop candide -ça pouvait se retourner contre moi-.. quoique de moins en moins au fil des jours car elle apprenait la vie, la garce -et cela aussi pouvait se retourner contre moi, elle en savait trop.- Et je visais plus haut.

Reprenons. Le marquis, tout honte bue –Tartarin ! Le Seigneur du crottin ! – pouvait me servir. Amoureux de ma femme? je l’ai joué obséquieux, lui proposant d'être secrétaire d’une assoc, pas trésorier ! ça épate sur une carte, un noble.. Il a accepté, pour voir Nad c’est sûr, il se moquait des orphelins handicapés, moi aussi d’ailleurs, comme de sa première vérole. Mais il pesait son poids pour les larves, il fallait me le concilier... et étouffer les bruits.

Un autre de mes succès fut Jane. Mon épine dans le pied, cette détraquée débarquée à Saint Doubs avec toute sa panoplie d’Eliot Ness écolo, caméra, ordi, blog.. Mais elle allait m'être utile. Il faut toujours faire d'un ennemi un levier en se servant de sa force contre lui, ou contre un autre. Je l’ai donc lancée dans les pattes de Nad. "Je connais quelqu’un que vos recherches intéresseront" lui a dit Coline et go. Depuis l’accident à Gémont -une broutille, des solvants épandus dans la Maes, trois grenouilles mortes-, Jane avait copiné avec une secrétaire dont je me méfiais, genre à éplucher les budgets, les contrats, les subventions aux assoc, à comparer… et à observer que c’était Véra, ma belle amie -ma favorite- qui dirigeait la mieux lotie sous couvert d’un abruti prête-nom.. Ça, plus ma vanne farceuse, fuyarde et les grenouilles décolorées, plus d'autres broutilles, ça pouvait faire jaser.

Ses articles étaient maladroits... mais justes. Mais ça, seul moi et deux ou trois le savaient. Son succès était maigre, les larves lisent peu. Coline a raconté partout que j’aurais décliné ses avances, là je jouais sur du velours. Un puissant, un Don Juan ! Qui avait une si belle femme et une maîtresse sexy qu’on lui enviait, ça a fait rire tout Saint Doubs. Ses notes devinrent de plus en plus haineuses, ça confirmait, tout baignait.

Mais là, j'ai commis une erreur, la sous estimer. Elle était ridiculisée, out sider, isolée, femme, c’est toujours plus facile, une femme surtout seule, je l’ai attaquée en diffamation ni plus ni moins… et j’ai perdu! Les juges! Il faut éviter de lancer la justice lorsque des bruits de plus en plus insistants courent sur vous, d’accord ils ne peuvent rien prouver si on se débrouille bien, l’idéal est faire peur, de mouiller ceux qui comptent, quelques billes ou recommandations...  mais après, si vous jouez les vertus, ils ne vous ratent pas et.. ça renforce les rumeurs. J’ai perdu… la première manche. Je gagnerai les autres et l'Eva Joly de service n'y pourrait rien. Cet échec, j'allais le transformer en victoire.

Je lui ai littéralement pourri la vie. C'était facile de lui faire peur -j’ai de bons amis, pas toujours très présentables, dans ma position, c'est inévitable - personne ne la croirait lorsqu’elle irait se plaindre auprès des flics, plus c’est gros plus ça passe. "Bien sûr Madame Cunabet, Monsieur Bigler a fait casser votre porte et votre spot pour vous électrocuter, et il écoute votre téléphone.." Il n’y avait qu’à recommencer le lendemain : "qu’est-ce qu’il vous a encore fait aujourd’hui, Mr Bigler ?" ils se bidonnaient, "Cul rabais" ils l’appelaient. Je me délectais en l’entendant au téléphone, euh.. oui, pour les marchés... enfin bref, on est obligé de s’informer sinon on ne va pas loin et on se cogne partout, le monde est cruel. Elle délirait de peur et elle est tombée en dépression, médocs, ça aggrave toujours un peu... Bien. 

Mais il faut toujours courir au moins deux lièvres à la fois, on est sûr d’en attraper un, si on a raté l’autre, on se rétablit avec le premier; mon seul but n’était pas Jane... c'était Nad que je voulais faire passer dans la charrette, elle avait une amie folle, folle elle l’était aussi. "Tiens, encore la voiture de Cunabet devant chez moi, elles ne se quittent plus!" observais-je le soir devant des clients que j’amenais au Joli Pré, le bistrot de Coline, quitte à faire un détour. Ça a été plus difficile, il n’y en a pas un ici qui ne lui doive un service, mais parfois les gens, avec un petit os ou même sans os pour les plus larves ont fait semblant de le croire. C’est tout ce qui importe, juste hocher la tête, pas plus… Ça l’a troublée, Nad, surtout après la lettre anonyme. "Tout le monde me croit folle" disait-elle. Bien sûr que non mais elle, elle le croyait, c’est ça qui comptait… Elle était isolée, ficelée, -enfin, elle le pensait-, plus elle se débattait, plus elle coulait; elle s’était même fait faire des attestations de toubibs qu’elle brandissait partout, l'idiote ! Ça faisait rire.

J’oubliais, il m’a aussi fallu dégager fissa une amie à elle revenue à Saint Claude après trente ans, une intello, une dure, un genre Jane mais agrégée de maths, pas un modèle courant. Mariane qu’elle s’appelait. Un regard que je n’ai pas aimé, sous une certaine douceur distante, un scanner, ça non plus n’est pas fréquent. Je l’ai reçue de telle manière qu’elle n’est plus jamais revenue, avec les bourges c'est plus facile. Mais au cas où, il me fallait un levier. Je lâchai Coline sur piste et elle trouva, elle trouve toujours Coline même quand il n’y a rien. Et je l’ai offerte à Pillard -vilain nom surtout à son poste, à sa place j’en aurais changé- à charge de revanche. Mais ce bourrin gâche toujours la sauce, on s'escrime à lui en battre une en neige avec rien, avec Killer ça pouvait passer, il y vide la salière entière et ça retombe, tout le monde s'esclaffe. Killer, c’est le meilleur bavard, un teigneux cocaïnomane, ça lui donne des ailes, il fait parfois des miracles, mais pas toujours. Dans la sciure elle l’a envoyé, et toute seule. Pillard s’est ridiculisé. Je m'en fiche, ce n'est pas moi. Je l'ai lâché. Discrètement, je ne pouvais faire autrement, un tel ballot, ça fait tache. Il m'en a voulu ! Allez aider les gens parfois et voyez le résultat !

Il me fallait donc devenir un martyr de la Justice. Jane était out, Marianne, écoeurée, avait pris ses distances avec Nad, mais Malnati, l’écolo, ne me lâchait pas, des grenouilles décolorées qu’elle gueulait, la ligue des grenouilles à présent. Le soir, j’allais au troquet avec un air accablé et ma sacoche, ça fait bien la sacoche, je viens du travail, je suis surmené, et devant les larves avinées, je lançais quelques flèches. "J’ai bien besoin d’un petit remontant avant de rentrer!" Tous approuvaient, ça me rendait sympathique et faisait marcher le commerce; la Pouillard me questionnait à mi voix en bout de comptoir, je ne suis pas n’importe qui, je m'épanchais vaguement, toujours sous le sceau du secret "il n’y a qu’en vous en qui j’aie confiance, Janine" et avec elle, tranquille, ça allait droit à tout Saint Doubs, pas besoin d’Internet. Il fallait voir combien elle se gonflait, racontant partout qu’elle était "la meilleure amie de Monsieur Bigler, oui, pas fier du tout qu'il était, du moins avec elle, il venait se confier le soir, venez vous verrez.. non, non, elle ne pouvait pas en dire plus mais si vous saviez ce qu’il vit avec sa femme et cette obsédée, Cul rabais la bien nommée, il a dû la poursuivre pour l'honneur de sa famille mais la justice, m’en parlez pas.. non, il n'a pas tout dit, sinon il aurait gagné, mais il peut pas, non, elle ne dirait rien, un ami c’est un ami etc"… Le flou c'est le top, ça débride la liberté créatrice des cons, on ne peut pas vous accuser d'avoir médit et vous pouvez même vous retourner contre votre aboyeur si ça tourne au vinaigre -ce que j'ai fait ensuite du reste !- Elle aurait tenté de le tuer ? De le violer? Non tout de même. Si si ça s'est vu, les frustrées... J’étais devenu un héros. Un héros de la Famille et un martyr de la Justice.

Je voulais divorcer vite et surtout gagner, dans ma position il le fallait, j’aurai les enfants sinon ça fait louche -à présent ils étaient élevés, pas de problème-, comme tous, ils vont vers ceux qui ont le fric et le pouvoir, aucun risque de ce coté. Il faut dire qu’elle était tombée malade, Nad. Veuf eût été l’idéal mais bon, elle résistait ..

Il faut dire aussi que j’avais rencontré Véra, belle, courtisée, la classe, beaucoup d’entregent… et d’argent. Il me fallait un cheval frais. Coline avait découvert qu’elle avait été escort girl chez "Treat VIP" à Strasbourg, ça me plaisait. Pas une naïve, elle. La question est là : on peut davantage se servir des candides mais ils sont moins porteurs, tandis qu’avec les autres, c’est plus difficile mais le profit est meilleur. Je l'ai joué amoureux, pas question de la culbuter derrière un bureau vite fait comme les petites stagiaires. Les hommes, elle connaît, le fric aussi. Cette fois, j'avais un pur sang, plus toute jeune mais une allure de star.

Elle avait un mari plus âgé, un militaire à la retraite après un accident et.. bon, ne fumait pas que des cigarettes. Sans enfants. Trop haut pour moi, la belle aux yeux d'azur comme on l'appelait? Non, j’étais devenu important.. en fait pas vraiment mais je gonflais à bloc une position au fond assez médiocre qui ensuite devint meilleure et ainsi de suite, en fait, je ne mentais jamais, j’anticipais. Le bluff est un art, mais facile, tenez, au hasard, on peut se servir de vraies-fausses cartes de visite "Monsieur Bigler, Président -ou si vous êtes modeste, PDG- Région Champagne Ardennes renouveau" cornez ou tachez "renouveau", laissez tomber mine de rien dans un train après avoir devisé de tout et de rien avec une jolie voisine qui semble prometteuse... et en revenant des toilettes le coup est fait. En première, toujours, ne vous embêtez pas pour des larves -quoiqu'il y ait des infiltrés-. Ou affirmer descendre d’un prestigieux, attention qu’il ne soit pas grossiste en papier cul si vous l’avez annoncé Prince ou Prix de Rome, et méfiez vous des internautes qui vous démasquent d'un clic. Mais ici, rien risque. Son mari, c’en fut presque blessant, me l’a cédée sans se battre genre vous la voulez, prenez-la mais laissez-moi les restes. Et ils poursuivirent des relations amoureuses! Moi, j’aurais flingué quiconque m’aurait fait ça. L’aimait-il au-delà de tout? Je ne comprends pas. Je n’aime personne qui ne me serve. Même Véra.

Et c’est là que je commis ma seconde erreur, grave, la sous-estimer elle aussi. On est à Saint Doubs et si son allure et sa ''classe'' émoustillaient les hommes, les dames ne suivaient pas si facilement. Devenue ma maîtresse en titre, "Philipe m’a dit que.. j’en parlerai à Philipe.." elle y était. Ça lui a coûté des espèces certes, je ne dévie jamais d'un but tracé, même amoureux, c'est ma force, mais la mise fut rentable.. euh.. pour elle surtout hélas ! .. car il y eut un aléa.

Une maîtresse qui se pavanait, sans compter les autres, une épouse malade.. ça m'inquiétait. Nadège avait engagé un détective; elle était devenue une tigresse, c’était ce que j’avais voulu, j’ouvrais toujours les fenêtres lorsque je l’avais lancée pour que tous les voisins l’entendent hurler mais un détective, ça devenait extrême. Il avait fait une photo de Véra et moi... euh, disons non équivoque, elle s'en est vantée... et ça m'a coûté 500 E, ils ne sont pas chers ici, assortis de menaces et il l'a bêtement perdue... mais a empoché ses honnoraires. Ça l’a mise sur la paille, Nat.. Mais Véra dut se montrer avec son mari à toutes les fêtes, bisous par ci par là pour les journalistes. J’ai même invité le gus à une chasse de Maître Barrère pour la Gazette, bras dessus bras dessous avec moi ça fait bien.. Le bavard, qui présidait la Ligue catholique de la famille, s'était offusqué : "Le mari de votre maîtresse, mon cher Philipe ? Vous prenez-vous pour Louis XIV ?" et j’ai dû lui promettre quelque os mais la photo, on l’a eue.

Et c’est là que j’ai rencontré Soph! A peine plus âgée que ma fille, généreuse, souriante, une Nad mais favorisée, cultivée, et avec vingt ans de moins. Et je suis tombé amoureux! J’avais d’abord repéré en elle la fille Duthieu, des prof de fac nickels écolos... bon pour moi, ça, après le procès perdu, j’avais besoin de caution morale plus que de fric -et j'avais Véra au cas où-. Mais j'ai flanché. Ça peut arriver, la preuve, mais il ne faut pas que ça dure ou on est perdu.

Et c'est là que ça s'est gâté. Véra qui acceptait mon "harem" comme elle disait en riant, enrageait ; pour qui se prenait-elle cette ancienne, j’ai tenté la menace comme d’habitude sans m'apercevoir que ce n'était pas la manière avec elle : "Si on s’oppose à moi, on le sent passer" et ça l’a fait rire! "Mon minou, mais tu me la joues caïd maintenant ? Trop mimi. J’ai réussi à me débarrasser de plus gros requins autrefois tu sais, c’est pas un petit trouduc de bled qui va me faire peur. Et puis je sais des choses mon chou et je pourrais parler mm ? un jour que je suis un peu pompette, ça m’arrive.." J’en ai ri aussi. J’ai eu tort.

Elle mit aussitôt dans sa poche, façon de dire, un ennemi mien -pour l’affaire du Gémont, j’avais du arroser Fabre, forcément, ce qui m’avait mis mal avec la clique Gersot; en rétorsion, ils s’en étaient pris, non pas à moi, pas fous, mais à la Pouillard -ma piétaille- qui en était à son troisième procès, sa terrasse débordait, l'aérateur gênait le voisinage, les emports du samedi n'étaient pas déclarés et des mineurs avaient été vus dans la zone troquet etc..  Le bavard, car c'en est un! a sauté sur l’aubaine, enfin, façon de dire, sur Véra aussi, sur Véra surtout, me la prendre le faisait bicher, le salaud, et quelle mine d'or en plus ! Il exultait. Elle lui fit part.. juste d’un amuse-gueule.. une tranche de travaux de la maison des handicapés non effectuée. La garce, c’était pour lui offrir un tour au Maroc et sa fameuse bague bleue, un saphir, que j’avais.. euh oublié de... bref, ça ne se voit pas mais ça se sent. La générosité parfois se retourne contre vous... Elle m’avait aidé, je le lui avais rendu, avec en plus le plaisir de la chasse, ma passion après le sexe et le pouvoir. Quoi de plus normal? Je ne croyais pas qu’on pût me surpasser en ingratitude et machiavélisme, elle me prouva le contraire. Admirable! Que Sophie, la petite sage femme dévouée me parut terne à côté d’une telle lionne passionnée ! Sophie qui voulait fonder un nouveau Lambaréné !

Je dus céder à condition qu’elle aussi quittât Gersot. Avec la peur qu'il n’étalât en public ses confidences, ce dont bien sûr il me menaça, ainsi que me faire virer du Horsing où au bout de huit ans d’avanies j’avais enfin réussi à me faire admettre.. Cela me coûta quelques services. Et sans garantie. J’aurais pu exiger qu’il lâchât la Pouillard mais elle ne m’aurait pas apporté davantage, je la lui ai laissée à ronger et même, comme gage de conciliation, je l'y ai aidé. Véra avait dévoilé le haut d’un iceberg, il y avait le bas, je ne dormais plus. C’était l’époque où Bottoir est allé en prison.

 L’idiote ! "S’il parle et il parlera c’est sûr, tu plonges avec moi". Elle éclata encore de rire. "Moi ? je n’ai rien fait, je n'ai rien à perdre minou. Toi, tout. Ton fric, ton honneur et ta liberté. Je ne suis que ta maîtresse -elle rit plus fort-. L’argent ? tu es juste un amant qui sait renvoyer l'ascenseur à présent que je t'ai poussé et, soit dit sans te vexer, j’ai connu mieux. Je ne savais rien, et même, vois-tu, ça me choque ces magouilles, profondément, maintenant que je les découvre. Je suis même prête à parler s'il faut." Elle agitait sa bague assortie au bleu de ses yeux et souriait. Je l’ai follement désirée.. et eu envie de la tuer. C’est peut-être ça l’amour. Je dus lâcher Soph. Comme prévu, elle ne fit pas d’histoires, les filles de famille, elles savent se tenir. J’avais une femme malade, elle était trop jeune pour moi, méritait mieux -ça, c’était vrai!- elle partit en pleurant. Nous ne nous revîmes jamais. Elle a épousé peu après un jeune médecin de MSF, ça m’a presque vexé. Avais-je si peu compté pour elle ?

Nad, elle, accumulait les attestations, beaucoup refusaient, je faisais peur, un mot en passant suffisait à flouter les mémoires mais enfin il y a des courageux, son toubib par exemple, la voisine dont je me méfiais. Je l’avais isolée par le travail, coupée de ses amis, Jane, Malnati, Mariane surtout, mais jusqu’à quel point? Bien sûr j’ai pris Killer, il n’est pas gratos mais j’avais des arrières. Des arrières qui cependant se fissuraient. Véra m’avait servi de.. prête-nom parfois, elle est habituée mais un prête-nom, c’est délicat, il le faut loyal et pourri ; idiot mais pas trop. Trop futé, il vous trahira, trop con, il se fera pincer et vous avec. L’idéal c’est le clan mais les miens était repartis au bled, riches à présent.. J’avais été imprudent. D’elle, je ne pourrais pas me débarrasser comme de Nad.

Nad, elle, avait pris par l’aide juridictionnelle un minable, un ex de Coline en plus. Mais il y avait à présent les traces de coups, je m’étais laissé aller une ou deux fois.. pour la protéger d’elle-même. J’avais dû la faire sortir de force de mon bureau un soir que Véra lui avait dit "lâche-le, grosse truie, il n’attend que ta mort pour refaire sa vie!" elle est comme ça Véra, plus classe tu meurs, mais quand elle se lâche, elle fait pas semblant, le passé revient et il faut dire, c'est le ruisseau... et Nad était tombée, mal tombée, une fracture, il y avait des certificats médicaux, une incapacité, pas de chance pour moi. Elle avait porté plainte. Mais la plainte, c'est bête, on ne la retrouvait plus. ''Avec les médicaments, elle ne sait plus ce qu'elle fait'' comme il a dit Diffot, l'adjudant, un aficionado de Maître Barrère. Elle avait dû oublier de la fournir.

Soudoyer le bavard ? Trop risqué, même un ex de Coline, il pouvait être intègre, après le premier procès, j’étais dans le collimateur et les juges sont souvent des femmes. J’ai tenté une conciliation, elle prenait les torts, je lui laissais la moitié du fric, -enfin, déclaré- et une petite rente. Dans ma position, je devais être nickel et elle aussi y avait intérêt, sa pension étant indexée sur mes revenus.. etc. Elle m’a ri au nez. J’ai tenté la menace "j’ai le bras long, je connais du monde, je vais te pulvériser." Rien ! Elle aussi a ri !  Sur les conseils de Diffot, j’achetai alors en son nom un téléphone portable et je fis des appels en série sur le mien, 60 par jour, autant la nuit. Une vérification ? Avec 140 affaires par jour, ils n’allaient pas appeler les Experts, je plaidai le harcèlement, la jalousie, les menaces de mort, l’enfer au quotidien, Pouillard confirma ainsi que trois "voisins".. l’un habitait à Dôle, mais bon, ça a passé! Même la tunisienne qui adorait Nad, elle lui avait gardé ses gosses gratos après un grave accident, a cédé, son frère n'avait pas de papiers... les ploucs, il ne faut jamais les aider, à la moindre occase, ils vous tirent dans le dos.

Mais il y avait les certificats médicaux et sa toubib qui, elle, ne pliait pas. L’adultère ne comptait plus même si elle avait trouvé un soir, revenant de l’hôpital plus tôt que prévu, Véra dans notre lit. Mais pas de preuves, pas de témoins. J’ai nié les coups, elle s’était faite mal elle-même en me sautant dessus, j’avais esquivé, elle était tombée, avec les hystériques ça arrive. Elle accusait aussi Véra d’avoir voulu la tuer et ça, ma foi, je ne dis pas que c'était faux.. du reste, je rêvais que l’une me débarrasse de l’autre et ensuite les juges de la restante.. Elle affirmait aussi que Véra était droguée, ce qui était aussi à peu près exact, Nad ne fait pas la différence entre joints et dure, et en plus alcoolo, à demi vrai aussi, disons qu’elle boit sans être ivre, juste un peu gaie.. Mais je suis brillant sur ces coups comme presque tous ceux qui sont à mon rang, sinon je n’y serais pas, surtout parti de zéro et même moins que zéro.. Voici. 

J’avais piqué à Soph des ampoules de.. je ne vais dire le nom.. un médicament qui excite, crée des hallucinations et ne laisse pas de traces, elle me l’avait dit innocemment, déplorant des vols constants au cabinet par des drogués en manque. Et j’en avais mis dans le café de Nad le jour de la soi disant mise au point au sujet de la répartition de nos biens. Vous ne le croiriez pas ? Elle s’est mise à voir des esprits, des fantômes et c’est arrivé à tout Saint Doubs… Une jalouse hystérique qui me menace, me harcèle et... à présent voit des éléphants roses, c’était plié. Elle prétendait aussi que je voulais l’empoisonner.. et ça, ma foi.. mais après ses apparitions, pensez..

Il valait quand même mieux qu’elle n’aille pas au procès, elle peut parfois être convaincante, Nad. Pour ça, je n'ai pas à me vanter, ça s'est fait tout seul, c’est son avocat lui-même -avec l’aide juridictionnelle et même sans, il arrive qu'ils bâclent-.. qui le lui déconseilla, de la fatigue inutile -elle enchaînait des soins à Saint Claude et.. semblait s’en sortir !- "J’ai l’affaire bien en mains, ayez confiance !" et il envoya un stagiaire qui n’avait pas lu le dossier. J’ai gagné, torts partagés, pension minime, malgré les coups, les certificats, l’incapacité permanente, sa maladie, les adultères, une victoire inespérée, je n'osais le croire! Je retarde les versements pour l'empêcher de contre attaquer, elle n'a plus droit à l'aide juridictionnelle, ça la bloque à présent et je ne vais tout de même pas raquer pour qu'elle m'attaque avec mon fric! Mais elle a encore des amis qui l'aident, on ne peut pas réussir à cent pour cent.
L
Restait Véra. Avec elle je n’irai pas plus loin, je descendrai. Et elle me fait peur. Ce rire qu’elle a eu lorsqu’elle m’a dit un soir "mon chou, j’ai tout prévu tu sais, même une lettre au notaire à n’ouvrir qu’après ma mort.." et elle m’a caressé comme on flatte un caniche. Et l’argent qui est en son nom! j’ai une reconnaissance de dette, pas fou tout de même, mais ça reposera le problème de sa provenance. "Ce fric est à moi à présent Minou.. à moins que tu ne préfères la prison ? au choix." Je peux l’épouser peut-être, elle ne demande que ça. Madame Bigler, c’est quelque chose à présent qui compte ici, et son mari fait tout ce qu'elle veut. Et ensuite faire des donations au dernier vivant de sorte que.. en cas d’accident.. D’autant qu’elle n’est pas toute jeune. Mais rien ne dit qu’elle n’exigera pas un contrat et alors ça ne vaut pas la peine de m’encombrer d’une garce qui couche partout -quoique parfois ça m’ait bien servi-. Mais si ça marchait, je rêve, après, qui sait, je pourrais peut être avoir une autre Sophie? Je l'ai ratée de peu à cause de cette salope. Mais à présent, je peux prétendre à mieux encore. Enfin si je sais maneuvrer.

Je sais, il y a les jaloux et j’ai mauvaise réput, Gersot qui n’est pas meilleur, y veille. Sans doute sera-t-elle pire après... ah cette damnée Jane ! Ses articles restent, avec le net, c'est comme ça et depuis le divorce elle revoit Nad. Mais j’ai l’impression que pour les filles de riches, les salauds, ça les excite. C’est plus romanesque.

SIX MOIS APRÈS

Nous nous sommes enfin mariés Véra et moi. C’est drôle, j’ai eu l’impression qu’elle était devenue autre, qu'elle m’aimait vraiment, comme Nad, ça m’a presque ému. Est-ce le rang qui lui manquait ? Son cynisme n’était-il que jalousie d'amoureuse vieillissante supplantée par une jeune favorisée sur tous les plans ? Suis-je si bon acteur, il le faut dans la profession ou est-ce elle l’excellente comédienne, il le faut aussi dans la sienne ? Je ne veux pas y penser. Aurait-elle des projets ? La donation au dernier vivant, c’est elle qui l’a proposée. Troublant car j’ai aussi des biens "propres", enfin façon de parler.

Une lune de miel au Maroc où nous allons souvent. L’Atlas, superbe, la solitude, les chevaux, les ballades, les chasses –mais Véra n’aime pas ça –. Elle se droguait, à la dure, Nad n’en avait-elle pas fait une sacrée pub au procès et partout? Elle avait toujours belle audience, Nad, malgré tout. Et puis j’avais Pouillard: tout comme je m’étais épanché sur Nad, j’avais taclé Véra, encore plus facile. Et, incroyable ! il y avait aussi son ex ! Désespéré, il lui en voulait de l’avoir quitté officiellement pour moi... qui étais son amant depuis quatre ans sans qu’il ne bronche! Pourrais-je l’utiliser? Faire se battre des amis ou amants est un art dans lequel j'excelle. 

Et ce fut une overdose, elle est morte dans l’ambulance, ils n’ont rien pu faire, il faut dire qu’elle avait un peu bu, qu’elle avait tout de même.. 65 ans -avoués- même si elle en faisait 40, et surtout qu’on était à deux heures de l’hôpital le plus proche. J’ai beaucoup pleuré.

Mais c’est ici que vient la chute. L’argent ? A n’y pas croire! Elle avait tout transféré à son ex. Inouï. Même après la mort, elle me narguait. Dire que chez le notaire il a fallu me rétablir sur le champ alors que j’étais au bord du malaise. "Ah oui, c’est vrai, Maître, excusez-moi ce drame m'a sonné.. c’est moi qui le lui avais demandé, il y a de l’argent.. euh.. dont on ne veut pas.. euh.. profiter." Il avait hoché la tête gravement, épaté. J’étais débarrassé d’elle mais plumé. Disons à demi.

Pour le moral il me fallait réagir tout de suite. J’avais depuis longtemps en vue Anne, une artiste du Horsing, une fofolle sans famille, un petit nom et une bonne assise. Artiste, c’est bien pour l’argent, en blanchir, en recevoir. Je me suis fait un look Marquis de Clerk et je peins. Ça relève n’importe quelle réputation, l'art, je vole au dessus des choses matérielles.

Mais il y a ce looser qui me regarde bizarrement. Ça ne lui suffit pas de m’avoir raclé? Que lire dans ces yeux tristes et délavés fixés sur moi, que je sens dans mon dos partout ? de la haine ? de l’admiration ? un doute ? un désir de vengeance ? Tout cela. J’ai l’impression qu’il cherche à me déchiffrer. L’enquête n’a rien donné évidemment, avec les drogués de tels accident sont courants et au Maroc, ça va vite. Je l’ai faite incinérer, elle le voulait et c'est plus pratique pour voyager. Elle est enterrée ici dans une tombe où je la rejoindrai plus tard, le plus tard possible j’espère. Elle me manque. C’était la seule femme qui était à ma hauteur. Presque.

Nad a guéri et vit maintenant avec son marquis; le salaud a perdu son air distant et triste d’intello juste aimable que je copiais et semble redescendu sur terre. Et s’y plaire ! Il l’a lancée et, vous ne le croiriez pas, elle est devenue écrivain de romans policiers. Ça me blesse. Les femmes! J’ai peut-être eu tort de la quitter, elle pouvait évoluer. La dernière sculpture de son aristo, très remarquée lors d’une expo organisée par son éditeur de Dôle s’appelle "My fair lady" et c’est Nad carrément qui pose nue! L’office de tourisme de Saint Claude la lui a achetée, un coup de Pillard bien sûr, qui m’en veut pour Mariane, ce n’est pourtant pas ma faute s'il est idiot. Dire que je vais la contempler presque tous les jours -ainsi que mon personnel!- le Lord amoureux d’une fleuriste qu’il éduque avant de l’épouser.. c'est à dire ma femme nue devant le bureau entre le pôle emploi et la salle des fêtes. Sympa. Je vois les secrétaires se marrer sur tout l'étage, je fonce le nez au sol. Salaud de Pillard.  

On ne peut pas tout réussir: Anne s’est accoquinée avec un jeune admirateur, elle ne se refuse rien, vingt ans de différence, vous allez dire que c’est la même qu’avec moi, mais les hommes, ce n’est pas pareil. Au fond, j’en ai assez, ça finit toujours mal ces affaires et ça épuise, même si c’est ainsi que l’on devient quelqu’un qui compte, quelqu’un que l’on n’ose plus humilier comme je l’ai été et qui au contraire peut, lui, aplatir les autres, presque tous. Il y en a qui n’ont même pas eu à se lever pour briller et qui me critiquent, ce sont ceux-là que j’utilise -et les autres aussi comme piétaille- la vie me doit bien ça, les nuits à combiner, toujours au bord du gouffre, la trouille, la solitude, la peur d’être démasqué, de plonger, de tous, la joie aussi de gagner.. Mais il faut savoir s’arrêter, ou on finit par.. une overdose. Je vais faire un petit voyage. Lorsque je rentrerai on aura oublié, les larves oublient vite, heureusement. Je pense à Mathieu et à son air étrange le soir lorsqu’il passe devant chez moi. "Montez-donc" lui ai je dit hier, je voulais le sonder, que sait-il ? Véra lui disait tout, j’en suis sûr. Il n’a pas répondu."                          
Fin du journal            
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Philipe a été assassiné deux jours après. Deux coups de revolver dans la tête alors qu’il sirotait son café sur sa terrasse un soir d’été, seul. Comme un contrat. Mathieu, avec cette confession qu’il prit le temps de lire, de photocopier et de glisser dans la boîte à lettres de Nadège est allé se livrer. Son avocat parisien, Me Brame-Gorellli car cette fois l’affaire fit grand bruit ! retrouva la lettre de Véra chez un notaire de Strasbourg. Elle disait vrai.

"Si je venais à disparaître dans des conditions hâtives ou suspectes, un accident par exemple de chasse, de voiture, une overdose ou une chute etc, c’est Philipe Bigler mon amant depuis 5 ans qu’il faudra accuser. J’ai été témoin et en partie receleuse (voir mon relevé bancaire BRP N 1432) du fruit de certaines de ses combines illégales qui l’ont considérablement enrichi (mais il y en a bien d’autres) et il craint que je ne le dénonce, ce dont je l’ai menacé plusieurs fois, à quoi il a répondu qu’il avait les moyens de me faire taire à jamais et que ce n’était pas la première fois qu’il agissait ainsi envers une femme trop bavarde. Fait à … Veronika Allembach." 

Mathieu va être jugé sous peu ; Brame-Gorellli escompte une faible condamnation, deux ans peut-être dont il ne fera que la moitié, vu son âge et ses états de services héroïques. Quant à l’enquête au sujet de la tentative d’assassinat sur Nadège dont il n’est pas fait mention clairement dans le Journal, elle est éteinte. Au-delà de la mort, Véra témoigne en faveur de celle qu’elle haïssait le plus. A moins... qu'il ne s’agisse d’une autre? Jane par exemple qui après le procès gagné contre Philipe avait failli être électrocutée le soir où elle avait trouvé des fils dénudés au dessus de la poignée de sa porte. Les flics ont retrouvé sa plainte, ainsi que celle de Nadège, comme quoi, quand ils veulent..

Le mystère excite le public, les avis divergent, les écolos s’en mêlent. Pour son refuge de grenouilles, Marie Malnati a fait la ''une'' avec le prix "Amimo".. et sa boutique bio est devenue le must. A la télé Brame-Gorelli, de son inimitable voix chuchotante claquant soudain lors d'envolées passionnées instille goutte à goutte des révélations savamment dosées qui tiennent le public en haleine. Et sous la photo de Véra en robe moulante posant entre Philipe et Mathieu, France Lundi a titré "Les diaboliques de Saint Doubs" et Libé "Le justicier de la Maes". La Pouillard fait le buzz, "pensez, j’étais, enfin je me croyais, la meilleure amie de Monsieur Bigler, jamais on n’aurait dit que.. je vous assure, que.. J’en ai été presque ruinée le dernier procès intenté par Gersot, qu’elle gagnera peu après, ô miracle, avec d'énormes DI à la clef, la mise sur la paille… Ce double jeu, qui pouvait croire que.." Mais elle a ouvert un hôtel bar-restaurant et une galerie-librairie qui ne désemplissent pas. Nad lui a pardonné.

Ses enfants ont hérité une petite fortune que son fils a voulu partager avec elle. Elle l’a consacrée à une fondation pour les victimes de pervers. Imprévu cocasse : Mathieu lui a versé une forte somme, l’argent de Véra donc des magouilles de Philipe, un symbole. Il va bientôt sortir, n'ayant purgé que huit mois sur les deux ans dont un avec sursis auxquels il a été condamné, les juges s'étant montrés peu enclins à défendre une victime qui de l'aveu de tous interrogés un à un, était pire que son assassin. Même Pillard, témoin de l'accusation, sous le feu des questions habiles, s'était lamentablement coupé et était devenu de fait témoin de la défense! L’hôtel a été entièrement réquisitionné par des journalistes car Gorelli qui a enfin écrit les Mémoires qu’il promettait depuis longtemps a prévu une conférence de presse où il "dira tout". Du jamais vu à Saint Doubs. Pouillard en a fait rentrer 400 exemplaires, elle est en train de se refaire. Pour ne pas être en reste, elle aussi a versé son obole à la Fondation.

Coline qui prétend avoir échappé de justesse à un attentat, c'est peut-être vrai, est partie. Elle a vendu le Joli Pré... à Pillard ! qui en a fait un casino.. autorisé dans des villes thermales et l'eau de la Maes ne fut-elle pas réputée pour soigner les embarras gastriques?– Le Centre est très couru, malgré ou à cause de son implication –secondaire et ridicule dans ce qu’on appelle à présent "l’Affaire des amants de la Maes." Sans souci des moqueries que du reste il ne saisit pas, il a placardé en bord de route "Chez Pillard". De cette débâcle, il s’est bien tiré.
Véra et Philipe sont enterrés ensemble comme ils le voulaient tous deux.

TROIS ANS APRÈS

Mathieu est revenu. Dans sa propre maison. Il a changé, lui autrefois si taiseux aime à deviser, à recevoir. On dirait son geste l’a libéré. Ami de Nadège, lui aussi a fait le buzz. 

C’était un soir d’hiver. Ils fêtaient le succès d’un livre, les invités étaient rentrés à l’hôtel que la Pouillard, avec une candide indécence avait appelé La Baraka. Ils étaient seuls. Elle lui servit un verre. "Vous savez, Nadège, on croirait que vos histoires sont vraies. Mais savez-vous aussi que la vie parfois nous en réserve d’autres cachées à tout autre que leurs protagonistes encore bien plus invraisemblables ?".. "Si je le sais !.. qui m’a crue lorsque je disais que Philipe avait voulu m’empoisonner ?" ..  Il baissa les yeux : "Moi bien sûr, mais je me suis tù. Je n’en suis pas fier.." Elle poursuivit : "Mais que vouliez-vous dire ?" Il hésita: "Pour me faire pardonner, je vais vous fournir un polar mais un vrai.." Elle eut un sourire à la fois malicieux et maternel. "Je brûle.." .. "C’est simple. Je fus militaire, on en a beaucoup parlé, décoré, Gorelli l’a dit et répété pour me tirer du trou, mais on n’a pas tout su de moi. Voilà. Avant de m’engager, je faisais des piges sous pseudo pour un petit canard du Nord. Et..".. 

C’est Nadège qui termina: "C’est vous qui avez écrit le Journal".. Il opina. "Cela ne m’a pris qu’une journée et en un sens je n’ai rien à me reprocher car tout y est exact. Véra, que j’avais autrefois sauvée de ses macs à Strasbourg, me demandez pas comment, était pour moi comme un livre ouvert ; elle m’avait littéralement absorbé, sans elle et même avec elle, je n’étais rien, ni elle sans moi. Elle me disait tout, même, surtout, le pire, le plus cruel. Oui elle voulait faire liquider Philipe, je m’y étais refusé. Elle aurait préféré que ce soit vous qui vous en chargiez mais ça a raté. Le mariage, c’était pour se venger de moi qui pour une fois, la seule, lui avait manqué. Si j’avais cédé, elle serait encore en vie. Je l’ai tuée." Nadège le coupa: "Je le savais bien sûr. Philipe qui faisait une faute par phrase était incapable d’écrire tout ça. Ses secrétaires, son harem comme il disait, et tant d’autres l’ont certainement su aussi. Tous sans doute. Et tous vous ont couvert. Sans se donner le mot, par le silence." 
Il secoua la tête : "vous n’avez pas compris.."

Un éclair fulgurant la traversa, oui.. À ça elle n’avait jamais pensé ! Seul le Journal écrit par Mathieu, exact et vérifiable dans sa quasi-totalité avait constitué l’élément décisif à sa décharge.. Tout y était exact, c’était évident et pendant le procès, ce fut confirmé par tous les témoins, même Pillard ! d'où la bienveillance des juges… Mais tout y était-il ? Son crime ? cadeau posthume et expiatoire à celle qu’il avait laissée aller à la mort.. ou dont il avait suscité la mort ? Il reprit. "Véra a été victime d’un jeu de roulette russe. Une chance sur deux. Je l’ai faite appeler en réclamant l’argent qui ne serait pas arrivé, une absurdité car les maffieux n’agissent jamais ainsi, mais après tout Philipe n’en était pas un "vrai", lui aussi était un provincial naïf. Il s’est cru condamné et a pris les devants.. C’était inutile, elle l’aimait à sa manière à ce moment là et elle n'aurait rien fait."

Nadège était sidérée et soudain légère à la fois : un meurtre par personne interposée et par amour d’une innocente, juste au moment où elle le devenait. Philipe qui l’avait exploitée, humiliée, battue, dévalorisée, qui la rêvait morte, était devenu soudain un minable escroc pris à son propre piège : sans ses écoutes, sans sa défiance paranoïaque envers tous, il serait encore en vie. Mathieu avait gagné. Gagné ? Perdu ? Les deux à la fois comme toujours. Époustouflée et admirative, elle lui prit la main. "Débrouillez-vous pour transposer" lui dit-il en la quittant "ça ne me déplairait pas de le voir écrit et moi je ne peux pas".

Mais le lendemain, il était là dès potron minet, il avait apporté les croissants de chez Marie. Lui, si courtois d’habitude, la sortir du lit à cette heure, il y avait encore autre chose songea-t-elle, excitée. C'était le cas. "Ma chère Nadège, je me sens un peu gêné devant vous. De vous réveiller et de peut-être perdre votre amitié mais tant pis, je vais courir le risque plutôt que de me mépriser.. je vous dois une petite mise au point. Merci – du moins de mon vivant– de ne garder que la première version. Ce que je vous ai raconté était bel et bien un scénario auquel j’avais pensé mais j’y avais renoncé, compter sur Philipe était trop aléatoire, je vous l'ai dit, ce n'était pas un vrai, pas un mac de la pègre. J'ai décidé d'agir seul et à coup sûr. Il n’était pas si mauvais, votre ex, ou plutôt il avait changé lui aussi. Aimait-il ma femme? En tout cas elle fut la seule qu’il eût admirée. Ces deux êtres s’étaient finalement trouvés. Vous.. vous avez compris je suppose ?" 

Elle secoua négativement la tête. Il sourit tristement : "L’overdose, c’est moi. Philipe était parti chasser dès l’aube, elle avait un peu trop bu la veille et ne s’est aperçue de rien. On en apprend des choses à l’armée, vous savez. Il ne s’en est jamais douté lui-même. Je pensais qu’on l’accuserait, ce ne fut pas le cas, ma seule erreur fut de ne pas avoir pensé à remettre l’argent sur le compte de Véra et de couper le mobile. Si bien que j’ai dû le liquider moi-même. Tout le reste est vrai. Et Gorelli l'a toujours su." 
Étourdie, en état de choc, elle rit encore. Dire que c’était plus simple et aussi plus cruel pour Philipe. Tué tout simplement par un mari jaloux au bout de son désespoir. D'une banalité affligeante. Lui aussi était donc ''innocent''. Mais après tout, Mathieu avait payé.

ÉPILOGUE

Une fois le livre sorti, un peu modifié, chacun crut y reconnaître quelqu’un.. à chaque fois différent ! Était-il si banal, Philipe, qui se croyait unique? Dire que pendant des années, elle avait été obnubilée par ce personnage dont elle avait fait le pouvoir, creusant à s’épuiser la tombe où depuis le début il voulait la précipiter.. et tant d’autres avec elle, Mariane par exemple qui, sans qu’elle l’eût jamais su, l’avait payé cher, même si au bout du compte elle avait gagné, Mariane dont la colère éclata un soir de spleen... elle l’entendait encore, elle l'entendrait toujours. "Pour moi, de l’autre côté de la barrière, tu es aussi responsable. Ceux qui font et soutiennent ces salauds sont responsables. Les victimes qu’ils font ensuite au hasard de leurs combines, Jane, Janine, Marie et combien que tu n’as jamais connus, c’est à des gens comme toi qu’elles le doivent. Oui, tu en as fait partie, des victimes, mais s’il n’y avait pas eu Véra, ne serais-tu pas encore avec lui, bosseuse et loyale ?" Elle avait balbutié: "Mais parfois, ils le paient cher, s’ils essaient de changer. Une fois le pied à l’étrier, ils sont emportés par un cheval fou sans pouvoir l'arrêter." Nad ne pouvait pas tout lui dire. Pas encore. Mais Mariane avait raison.
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Suite et illustration du livre d'Hélène Larrivé ("Secret de famille ou pouvoir et violence ordinaire dans des milieux au dessus de tout soupçons", Frison-Roche éditeur, lien)